Influence, communication stratégique, opinions publiques, renouveau des Psyops… La thématique occupe les institutions militaires, depuis nombre de mois, avec un intérêt croissant. Celles-ci sont conscientes qu’une importante mutation est en cours. Merci l’Afghanistan, merci le web 2.0
Ce phénomène peut s’observer en France, avec le colloque organisé cet été au sein de l’IRSEM qui a tenté de poser les premières balises d’un concept et d’une problématique aussi complexe que large dans sa théorisation. Ce galop d’essai devrait être suivi dans les prochains jours par un second rendez-vous, plus dense, avec un colloque prévu le 30 novembre prochain intitulé : ”mouvements d’opinion : quels enjeux et quels intérêts pour les militaires? ». Entre temps amateurs et spécialistes auront noté la publication de François Géré à l’IFRI.
Coté USA, il se tient depuis hier matin, et pour trois jours consécutifs à Syracuse (NY), un important rendez vous organisé par l’Information Opération Institute intitulé : “Influence and fighting propaganda”.
Comme le note l’un des coorganisateurs :
“This conf erence comes at a critical time as the volume and quality of disinformation and misinformation increases in an environment that empowers virtually anyone. The gatekeepers of yesterday, governments and major media, are increasingly bypassed, ignored, reactionary or co-opted as today’s information flows across geographic, linguistic, political and technological borders with increasing ease and speed.”
La conférence abordera quatre grands thèmes :
- Commercial Aspects of Influence
- Military Perspectives on Influence
- The Role of the Media
- Academia’s view of Influence
Voici quelques uns des sujets discutés plus spécifiquement:
- « US Army Inform and Influence Activities »
- “Military Perspectives on Influence”
- « Influence and Propaganda: What We’re Doing Wrong »
- “Politics and the Power of Jihadi Video”
En ce qui concerne les intervenants :
- La RAND Corporation bien sûr, qui était également présente cet été au colloque de l’IRSEM (et qui devrait rendre un rapport sur la question dans les prochains mois, je vous en reparlerai)
- Le Rendon Group, dont je vous ai déjà parlé ici, et qui est connu pour son expertise aux USA sur les opérations d’influences en temps de guerre
- Le commandant du 1st Information Operations Command
- Un chercheur du Behavourial Dynamic Institute
- Etc.
A l’instar des grands colloques scientifique, l’organisation a prévu des lieux adaptés et des hébergements pour tous. Cela pour confirmer, s’ il le fallait encore,
qu’un grand nombre d’intervenants et d’auditeurs seront présents. Cela montre à quel point le sujet, qui est d’une densité et une complexité réelle, est ouvert à la discussion auprès d’un large public. Experts (ou non) du privé, comme du public, semblent bienvenus à cet évènements. Et l’accès pour les étudiants intéressés par la question est… gratuit.
Grande diversité des intervenants aussi, puisqu’on y retrouve des militaires, des universitaires, des représentants d’industries, des cabinets de conseil spécialisés, etc. Cette diversité se traduit également par une transdisciplinarité qui, à mon sens est un des principes fondamental des opérations d’influence.
“Comparer n’est pas raisonner”, mais…
Cet évènement, analysé d’une autre manière, met le doigt sur un aspect critique : le retard culturel français (oserai-je dire francophone ?) dans le domaine. Il est frustrant de constater à quel point les anglo-saxons sont capables de fédérer, autour de la question, des spécialistes de tous bords pour alimenter et nourrir le débat, la recherche et les pratiques…
Car ne nous y trompons pas, même si il existe une difficulté sémantique à déterminer dans quel ordre, et comment, s’emboitent les concepts de communication stratégique, d’opérations d’influence, relation publiques, d’info-ops, etc. cela n’empêche pas l’Amérique du Nord d’investir le sujet avec le moins possible de pré-requis idéologiques et d’élitisme poussiéreux. Ce n’est pas toujours le cas en France, y compris dans les organismes qui devraient y être sensibles.
Le progr amme du colloque IRSEM du 30 novembre met en avant cette évidence : il suffit de le parcourir rapidement pour se rendre compte que presque seuls des personnalités du monde militaires ont été choisis pour animer ou participer au débat.
Pour un sujet qui touche à la l’étude des mouvements d’opinions ont peut se dire qu’il manque peut être des personnes qualifiées sur la question. Au choix : communicants et professionnels de l’influence dans le privé, instituts de sondages, historiens, spécialistes du web 2.0, sociologues, politologues… Ceci dit, il fallait peut être s’attendre à un tel résultat puisque la conférence du mois de juin, qui posait la question de “la définition d’une stratégie d’influence en appui aux opérations militaires” était déjà du mê me acabit. Il suffit de lire le compte rendu pour s’en rendre compte.
Un tel cloisonne ment des savoirs et des pratiques n’est certainement pas fait pour aider à l’évolution des pratiques militaires (et par contrecoup, civiles) et risque bien, non seulement de nous pénaliser, mais aussi, de laisser libre champ à une vision unique : celle des anglo-saxons. Pourtant, c’est peu dire qu’il reste à exploiter en France de nombreux talents.
Pour conclure, les personnes intéressées à suivre en direct ce qui se passe au colloque de Syracuse pourront utiliser Twitter et le hashtag #iandp. Vous pourrez y lire des tweet lumineux du genre :
– Dr. Nancy Snow: to improve communication: talklouder or listen more closely. Which does USG do?
– Can’t sell Uncle Sam like u can sell a product.
Pour ceux qui auraient besoin d’un résumé visuel de ce que peut être l’influence, de manière très pragmatique, je ne saurai que trop vous conseiller la vidéo suivante du Behavourial Dynamic Institute. Poulet frit et terrorisme, même combat!
Spéciale dédicace à Andy dis moi oui…