C’est un des sujets qui agite les média québécois depuis quelques jours. Et pour cause, on est passé à un cheveu du drame… Pour la faire courte, pour ceux qui n’habitent pas au Québec, lors de travaux dans un tunnel de Montreal, un énorme bloc de béton s’est détaché de la structure et a bien failli envoyer Ad Patres quelques automobilistes et ouvriers.
Bien sûr, autant vous dire que le Ministère des Tansports du Québec est rentré en gestion de crise en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Les communiqués pleuvent, le bal se met en place. Les seconds couteaux sont de sortie pour prendre occasionnellement le relai, occasionnant par là même des questions doctrinales comme seuls les communicants et journalistes peuvent en avoir [qui doit porter la parole sur le sujet (ministre, sous-ministre, responsables techniques) et quand ?] nourissant ainsi des polémiques de second rang.
Bref, nous voilà donc quelques temps plus tard et le ministre du MTQ se retrouve à « animer » une conférence de presse. Problème : l’exercice vire au carnage…
Rumble in the (urban) jungle
Ding ! Ding ! Ding !
– A ma gauche, Patrick Lagacé (et ses confrères), journaliste à La Presse (entre autre), co-animateur de l’émission « Les Francs tireurs », et 25.000 followers sur Twitter.
– A ma droite, Sam Hamad, ministre du MTQ, assisté, juste derrière d’un de ses attaché de presse.
FIGHT !!
Bon, je pense qu’on peut dire que le Ministre et, surtout, l’attaché de presse, on passé un très mauvais moment… Mais, sur le strict point de vue de la communication, quels enseignements tirer de tout cela ?
Dans la communication politique, en plus des impératifs classiques, il est nécessaire de protéger son patron à tout prix. C’est le jeu. Je dirai même, c’est une obligation « erga omnes » (amis juristes…).
Or, plusieurs chose n’allaient pas dans cette opération :
- Le format de la conférence de presse : une mauvaise évaluation de la situation
Gross-modo, il y a deux types de format en conférence de presse : dans un espace contrôlé/scénarisé (salle, espace ouvert mais avec des limites physiques, etc.) ou « dans la fosse aux lions » (Mes amis québécois utilisent un terme anglo-saxon qui m’est sorti de l’esprit. Un volontaire ?). [EDIT : le terme en question est « Scrum ». Merci Mélanie !]]
Il est évident que dans un tel contexte, le stress monte vite et que la proximité/pression physique n’aide pas à la zénitude. Je dois quand même dire que Sam Hamad a été bon. Il faut réaliser la violence à laquelle il fait face à ce moment précis…
Bref, on est tous d’accord : le format de la conférence de presse était inadapté. Je ne sais pas qui a eu cette idée, mais, visiblement, il/elle a mal évalué le niveau de dangerosité informationnelle… La question des infrastructures est sujet sensible au Québec, notamment ces derniers mois (travaux incessants, corruption et malversations dans la construction, problèmes qui trainent en longueur, etc.). Un accident d’une telle nature, c’était la cerise sur le gateau.
- La loi de Murphy : le pire est toujours certain
La crise survient toujours dans le moment le moins favorable pour vous. Dans le cas qui nous intéresse, et selon mes sources plutôt bien informées, le senior en charge des communications était en congé, ainsi que le directeur de cabinet de Sam Hamad (la moitié du Québec était en congé ces 15 derniers jours…). Ces personnes, plus expérimentées, auraient peut être anticipé les choses d’une autre manière. Tiens d’ailleurs, cela amène un troisième point :
- La gestion de crise, c’est d’abord la gestion des risques
Réussir sa gestion de crise, c’est avant tout 50% d’organisation en amont. Des tout petits trucs organisationnels du genre : « tous les seniors capables de gérer une com’ de crise ne prennent pas leurs congés en même temps » aurait pu limiter la casse… Rien ne sert d’accabler l’attaché de presse présent dans cette vidéo. Pour réussir il faut travailler en équipe. Et c’est l’équipe entière qui porte la responsabilité d’un échec ou d’un succès. Par ailleurs, ca fait partie de la réalité, on n’a pas toujours la chance d’être écouté par son boss, lui même étant soumis à d’autres pressions et contraintes politiques…
Attaché de presse : le difficile équilibre entre facilitateur et censeur
En discutant avec un jeune communicant du gouvernement, celui-ci me confiait qu’il venait, avec cette affaire, de prendre un lecon magistrale. Nous en sommes venu à discuter des différentes manières de limiter les risques dans ce genre d’opération : bien contrôler les lieux, utiliser la technique de la corde (très prisée en France sous l’ère Jacques Chirac), maitriser la sono si vous êtes dans une salle, mettre en place un systême d’accréditation discrétionnaire (la Maison Blanche le fait), avoir un staff de sécurité entre vous et les journalistes, etc.
Un exemple qui me vient en tête est celui des mesures mises en place par le staff du 1er Ministre du Canada, Stephen Harper. J’aurai aimé vous montrer une vidéo pour que cela soit explicite. Malheureusement cette vidéo a été supprimée de Youtube (si quelqu’un l’a sous le coude, faites moi signe…). A l’extrémité de ce spectre on retrouve les pratiques israéliennes, pour le moins hardcore…
Loin de moi l’idée de vouloir enjoindre tous les communicants et attachés de presse à brimer les journalistes dans leur travail. Néanmoins, la vidéo démontre qu’ils ne vous feront aucun cadeau le moment venu… Alors,
pas d’angélisme ! A vous de bien évaluer la situation et de mettre en place les mesures nécessaires pour éviter tout dérapage. Comme d’habitude, tout est question de mesure, de bon sens et… d’experience.
David
Merci Georges, pour ce commentaire. Nous sommes d’accord : pr?cipitation, manque de pr?paration, on s’?carte des faits… Le r?sultat est clair…