C’est désespérant. Les entreprises n’apprennent pas, ne lisent pas le journal ou, ne l’écartons pas, n’écoutent pas leur conseillers en communication. Ces derniers ont alors autant d’utilité qu’un sapin de Noël : décoratifs. Certaines mauvaises langues diront même qu’ils sont incompétents et je prie pour que ce ne soit pas le cas. En tous cas, chez Postes Canada, il semble qu’on réunisse toutes ces belles qualités qui font les grands champions.
Rappel des faits : génèse d’un bad buzz
Sylvain Carbonneau, facteur de son état, était un fonctionnaire charmant et apprécié de ses administrés du quartier NDG à Montréal. Durant cinq ans, il s’est fait une place au sein de la communauté à laquelle il distribuait le courrier. Un gars sympa qui prend des nouvelles, connaît votre nom, sait quand ne pas sonner pour ne pas réveiller bébé. Parfois même, avec l’accord des personnes concernées, il faisait une petite entorse au règlement : il signait à votre place pour vous éviter de courir au bureau sachant que vous faites de l’arthrite…
Mais, chez Postes Canada, on est plutôt “by the book”. Et après une enquête dont la célérité et la mesure n’ont rien à envier à l’inquisition espagnole, Sylvain se fît licencier. Le blâme ou l’avertissement, c’est surfait de nos jours, que voulez-vous.
Autant vous dire que les habitants du quartier NDG, n’ont pas vraiment apprécié la blague. Et c’est sans grande surprise que l’un d’entre eux s’est adressé à La Presse. Rima Elkouri s’est alors fendue d’un article bien senti (et très partagé) le 20 décembre dernier. On tenait là un drame de Noël et, évidemment, il n’a pas fallu longtemps pour que les réseaux sociaux québécois s’en emparent.
On venait d’amorcer la boucle infernale “social média/presse/social media”. Carbonneau faisait la tournée des média, le phénomène prenait de l’ampleur sur Twitter laissant tout le loisir à ceux qui n’étaient pas au courant de l’affaire de s’en indigner. Cela vous rappelle quelque chose ? Même le Député fédéral de la circonscription, Marc Garneau, s’en est mêlé.
Pendant ce temps, qu’a fait Postes Canada ? Rien. Enfin, si. Une déclaration du genre “Le Département d’État ne souhaite pas répondre à cette question, question suivante”. Une platitude qui ne laissait aucune place à l’ouverture. Et plus la controverse enflait, plus Postes Canada s’est emmuré dans son silence. Que croyez vous qu’il arrivât ? Les gens se sont mis en colère et se sont mobilisés.
(Non) Gestion de crise, phase 2
Une page Facebook par-ci, une pétition en ligne par là (+ de 12000 signatures en 8 jours, et ça continue), la mobilisation est certaine. Et il faut aller lire la page Facebook de Postes Canada. Les commentaires sous leur publication du 13 décembre est un vrai régal. 114 commentaires du public, aucune déclaration. Mieux, Postes Canada a pris le soin d’effacer certains commentaires. Tant qu’à être nul en gestion de crise et de réputation, autant y aller à fond… Des champions on vous dit.
Gestion de crise phase 3
On pourrait arguer que cela ne se passe majoritairement que sur les réseaux sociaux et que ce n’est finalement, pas un “big deal”. D’ailleurs, Postes Canada semble avoir fait un pari dangereux : laisser passer les fêtes de Noël, laisser la presse oublier et les gens retourner à leur dindes. Tactique valable, mais pari risqué. Car c’est sans compter sur certains journalistes et chroniqueurs retors. Benoit Dutrizac notamment. Et d’après ce que l’on peut lire sur Twitter il prend cette affaire à coeur. Il faut dire que son dernier échange téléphonique avec les cadres de Postes Canada ne semblait pas empreint de l’esprit de Noël…
@paularegimbal on a contact? Postes Canada et le patron qui a cong?di? Carbonneau: nous envoie nous branler.
— Beno?t Dutrizac (@Dutrizac) December 21, 2012
En janvier, si le dossier de S Carbonneau n’est pas r?gl? ? @postescanada, je mettrai le num?ro de t?l?phone des patrons ici.
— Beno?t Dutrizac (@Dutrizac) December 21, 2012
Alors, que retenir de ce méchant billet qui ouvre l’année 2013 ?
– Il faut bien comprendre que la posture de Postes Canada est indéfendable sur le front des PR. Comment comptez vous expliquer à vos clients, sans passer pour un abruti, que l’action la plus appropriée vis à vis d’un employé qui vous rend un excellent service, c’est de le licencier ? Nous savons tous que s’abriter derrière le règlement est une mauvaise idée.
– Cela apparaîtra comme une une platitude pour certains mais, à l’aube de 2013, bien des entreprises ne réalisent pas à quel point elles sont exposées au risque de crise et de réputation pour des évènements qui, auparavant, n’auraient pas soulevés un brin d’indignation. Merci les Médias sociaux.
– Ces erreurs sont de moins en moins excusables. Ne serait-ce qu’au Québec, nous avons eu au moins deux crise dans le même genre en 2012 : Oasis et Labatt. Ces évènements ont fait les gros titres et il est hallucinant de constater à quel point certaines entreprises font preuve de masochisme et d’aveuglement, ou, au choix, à quel point leur gestion de la communication est déficiente. Beaucoup apprendront dans la douleur.
– Postes Canada a fait un choix tactique : celui de laisser passer la tempête en bénéficiant de la trêve des confiseurs. Peut être, malgré l’acharnement de certains, que cela marchera. Mais ne nous y trompons pas : ce sera une victoire à la Pyrrhus. Ce que nous retiendrons vous et moi de cette affaire, c’est que Postes Canada a une culture d’entreprise rétrograde et avec qui le dialogue est impossible. De plus, il est toujours possible que le débat s’envenime sur le terrain glissant “des anglophones qui n’en n’ont rien à faire de ce qui se passe au Québec”
bit.ly/VfwG2j ?crivez au patron de Postes Canada: Deepak Chopra. Sait-il que le Qc existe?Parle-t-il fran?ais?
— Beno?t Dutrizac (@Dutrizac) December 21, 2012
Convaincu que la gestion de la réputation de votre entreprise ne doit pas être prise à la légère ? Il est donc temps de réserver votre place à la conférence Reputation War du 11 janvier à laquelle j’apporte ma contribution. Pour ceux qui sont au Canada, et qui auraient besoin de conseils, il est temps que nous en discutions sérieusement autour d’un café.