Au grès de ma veille, je suis tombé sur une lecture fort intéressante : « Rhetorical Charms: The Promise and Pitfalls of Humor and Ridicule as Strategies to Counter Extremist Narratives ». Article scientifique, de grande qualité, paru sur le site Perspective on terrorism.
Papier fascinant car il est assez rare (à ma connaissance) que des universitaires se penchent sur l’utilisation de l’humour et de la satire dans un conflit réel + informationnel (il y a quand même FB Huygue). Le cadre de l’analyse est d’autant plus sérieux que le sujet est grave : il s’attache à la problématique de contre-narration du djhiadisme (dans une perspective US).
L’humour, cette arme qu’ils nomment « rhetorical charms », est définie ainsi :
“stylistic seductions based on surprising uses of language and/or images designed to provoke laughter, disrupt ordinary arguments, and counter taken-for-granted truths,” include time-tested methods of humor such as satire and ridicule, but also include creative appropriations and uses of graphic icons and images that further demean the object of the ridicule, such as a dictator or a known terrorist or a violent extremist group.
Quels sont les grands traits de leur article ?
- La difficultés pour les gouvernement US de gagner la bataille du story-telling face à une narration extremiste qui reste simple, efficace, extrêmement clivante et permettant de justifier les actions des extrêmistes.
- L’un des outils qui peu à peu prend sa place pour contrer le story telling extrêmiste est l’usage du « ridicule » dans une optique offensive. Les auteurs rappellent d’ailleurs que cet outil rhétorique n’est pas une invention du 21ème siècle (certains poètes de l’ère pré-arabique étaient considérés comme extrêmement dangereux).
- Évidement, la satire a connu une expansion fulgurante durant le 20ème siècle du fait de la seconde guerre mondiale et du développement des moyens de communication.
- Utilisée de manière défensive, l’arme du ridicule sert à rassurer son opinion publique, tout en cassant l’image adverse du fier combattant sans peur et sans reproche. L’une des images les plus modernes, et sans doute la plus drôle de ces dernière années est celle de « Achmed, the dead terrorist » qui exploite à fond le registre (un personnage illetré, bête et incompétent)
- Quelques limites : on ne peut pas rire de tout avec tout le monde. L’humour ou la satire apparait dans certains cas comme une arme à double tranchant. Si elle fait rire certains, elle peut aussi rendre furieux et galvaniser les troupes d’en face. Pire, elle peut leur attirer de nouveaux sympathisants (cf. les caricatures de Mahomet). L’usage de l’humour est également exposée à un risque de flop, donc à un retour de flamme possible en terme de ridicule. Et parfois, l’humour est tout simplement inapproprié, faisant croire que l’émetteur fait preuve d’unen légèreté insoutenable face à des évènements graves.
- Une donnée assez essentielle dans la réflexion : l’utilisation du ridicule/humour est parfois difficile à manier pour les communicants d’un gouvernement (pour des question de bienséance et de tact diplomatique). Apparaissent donc deux options : la « black propaganda » (où l’institution/gouvernement ne s’affiche pas comme étant la source) ou bien l’action opportuniste, telle que celle menée par la Digital Outreach Unit du Département d’État.
En voici un exemple sur la thématique « Al-Qaida a dit n’importe quoi concernant la capacité des peuples arabes à se libérer du joug de dictateurs » :
Les auteurs croient que les gouvernements et institutions ont tout intérêt à exploiter cette veine. Même s’il y a des risques, l’univers communicationnel dans lequel nous vivons est aussi fait de grandes opportunités. Et de conclure avec cette phrase pleine de promesse :
These amusing, seductive, explosive “rhetorical charms” may disrupt the narrative landscape, but more importantly they also contribute to it new resources that then help to persuade others to act, one way or another. And that is something we need to understand more fully.
Au final, c’est une contribution intéressante pour quiconque s’intéresse aux enjeux informationnels. Que vous soyez un communicant du monde public, ou privé, les constats et recettes ont beaucoup en commun, non ?
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